Cet été j’ai été interpellée drôlement
Par une jeune enfant que je ne connaissais pas
Je marchais seule près d’elle, regagnant mon logement
Entre nous ses deux frères lui emboitaient le pas
Le trajet n’a duré qu’un moment riquiqui
Leurs bavardages et rires formaient le fond sonore
D’un coup elle a dit « Chut… il y a une mamie »
Ma réplique chuchotée a fusé « Pas encore ! »
Puis je leur ai souri d’abord toute attendrie
Qu’en plus elle ait pensé défaillante mon ouïe
Elle s’est figée un peu les grands semblaient gênés
Et tous deux m’ont priée alors de l’excuser
J’ai soudain pris conscience que moi aussi j’ai pu
A une femme inconnue inventer ce statut
La désignant « mamie » par affabulation
L’assignant mère d’abord puis grand-mère sans question
Ensuite j’ai pris conscience qu’à travers ma réplique
J’avais placé mes filles dans le même avenir
Au lieu de « pas encore » qui présume de la suite
Un jovial « Pas que je sache » aurait dû me venir
J’ai rassuré les frères que la honte gagnait
J’ai rassuré la sœur aux sept ans supputés
Vers ma destination j’ai bifurqué pensive
Imputant cette sortie à ma chevelure grise
Depuis que la nature se charge de sa teinte
Ma crinière prend un air d’années accumulées
Mais ce temps et ces litres passés en couleur feinte
Quelle belle satisfaction d’en être libérée
En assumant sereine cette marque du passé
Qui arrive dès 30 ans, dès 50 ou jamais
Ne suis-je pas plus proche de mon humanité
Habiter mieux mon corps au lieu de l’accabler
Refuser les messages fustigeant la prise d’âge
Y voir la liberté
De soi se rapprocher