Présentation plus ou moins détaillée de ces réflexions à mon entourage depuis plusieurs mois. Réactions surtout enjouées, yeux qui brillent, devant l’audace, l’idéalisme, la fraîcheur de la réjouissante perspective. Mais pas que.
Des réactions crispées, objections outrées, résignées ou indignées prennent aussi forme. Devant cette idée saugrenue, vertigineuse et transgressive. Forcément, puisque régénérante et transformatrice. Cette idée de réformer profondément le congé paternité. D’appeler à le rendre long, obligatoire, correctement rémunéré et partiellement consécutif à celui des mères. Des premières réponses sont forcément à avancer sur le ring des arguments. Dans le but de donner un genre romantico-poétique à la bataille, voici une traduction libre des propos tenus et des peurs jusque-là exprimées, entendues et comprises, en prose ou en rimes, voire en maximes.
ILLUSION
« Comment peux-tu t’imaginer que cette mesure va tout changer ? Que le sexisme va régresser en mettant en place un congé ? Que les femmes ne seront plus traitées comme des objets sexuels dévoués, au service des hommes de pouvoir, au réconfort, au faire-valoir ? Que les violences vont s’arrêter, que Me Too sera terminé ? »
Humilité
Tant de domaines différents ont besoin de bouleversements ! La mesure est humble au départ, mais qui sait ce qu’elle nous prépare, une fois nos rôles plus mouvants ? Osons une action qui promet de changer les mentalités.
CONTRADICTION
« Contre la norme tu te rebelles, mais tu en souhaites une nouvelle ! »
Assouplissement
Faire société implique des normes, qui évoluent et changent de forme. Les assouplir est une clé pour l’exercice des libertés.
INSENSEE !
« Imposer aux pères qu’ils apprennent à s’occuper seuls des bébés ! Quelle idée insensée tu as… C’est pas demain la veille qu’elle sera à l’agenda des politiques. Ni proposition citoyenne. Elle ne susciterait que critiques. »
Et pourtant…
En Suède et en Islande c’est fait. En Espagne une loi est passée. Des tribunes sont régulièrement signées de personnalités. C’est à présent le bon moment de nourrir, d’élever le débat, au niveau qu’il faut pour faire loi.
QUI ES-TU DONC ?
« Qui es-tu donc pour imposer à tous les pères un tel congé ? Qui es-tu donc pour leur dicter les contenus de leurs journées ? Quelle est la force de l’argument dirigeant l’usage de leur temps ? Attention, là, tu vas tout droit sur le terrain des hommes, crois-moi. Sûr qu’ils perdront en liberté, qu’ils n’y ont pas d’intérêt... »
Expression libre
Convenons donc que décider du bon usage de son temps c’est disposer de vraies libertés… Suis-je personne ou suis-je tout le monde ? Tout·e un chacun·e peut militer et revendiquer à la ronde, pour ces mères entraînées d’office à materner, à rendre service. Qui sitôt se trouvent enfermées dans ce rôle toute leur vie d’après, tandis que les pères sont enjoints de s’illustrer en gagne-pain.
Est-il besoin d’être spécial·e pour oser dire son idéal ? Dois-je justifier de m’exprimer ? Est-ce vanité de réclamer un acte de solidarité ? Que les hommes autant que les femmes s’impliquent dans le soin des enfants ? Qu’ils leur donnent aussi de leur temps, puisqu’elles gagnent leur propre pain ? Qu’avec elles, ils mettent en commun leurs quelques libertés restantes, plutôt qu’ils observent de loin les vies tendues de leurs amantes ? Leur restituer du temps pour elles, puisque toujours elles l’ont donné, serait une façon bien belle d’éprouver notre humanité.
ET NOUS ?
« Que nous restera-t-il à nous, femmes façonnées pour beaucoup, éducatrices destinées, si même dans le dernier domaine, où parfois nous nous sentons reines, les hommes s’immiscent et nous prennent notre seul espace, notre place ? Mais aussi notre identité, les enfants ou la maisonnée ?
Ce qui a fait notre valeur, parce qu’on a dû lâcher ailleurs ? C’était si usant de lutter, suivant de fallacieux discours sur les temps bien articulés, qui entraînaient que toutes on court vers un improbable meilleur… »
Deux paniers
C’est un risque qu’il nous faut prendre, d’initier plus d’hommes à apprendre à se frotter dans le privé à la vulnérabilité. Avec plusieurs cordes, l’archer, tel ces femmes aux vies d’agents doubles, peut mieux s’en sortir en eaux troubles. Ses œufs dans plusieurs paniers. Juste place au travail donnée. Distance pour relativiser. Soigner tôt sa progéniture rend humble face à la nature. Si les deux parents prennent cette peine, et alors ainsi se comprennent, leurs vies, d’entente, seront plus pleines.
JAMAIS !
« Jamais je n’aurais pu confier un d’mes enfants à mon mari ! Le résultat me laisse pensive… Il croit compter moins à mes yeux que nos trois grands fils réunis. Née pour être mère, j’ai été, à leur service, j’en conviens, à m’inquiéter, agir au mieux, pour leur bien… et sans doute le mien. »
Hypothèse
S’il avait percé le secret de ses nombreuses capacités, peut-être aurait-il excellé… ? Apaisement des relations, tensions moins fortes à la maison, chaque fois le cocon quitté.