Un congé deuxième parent long et obligatoire rendrait sa prise aussi peu négociable que l’est actuellement celle des mères. Imposé en cas de parentalité, mais par conséquent… garanti. Ce serait une avancée réelle vers l’égalité domestique, familiale et professionnelle, ainsi que vers les libertés qui en découleront.
Le législateur est épris d’égalité des sexes, en toute cohérence avec le principe constitutionnel affirmé… Aidons-le à concrétiser ses intentions. Pour ce faire, la remise en cause des rôles sexués doit être à son programme, avec des pères s’impliquant davantage dans la sphère domestique et familiale. Comme doit l’être le changement de la culture employeurs, en habituant ces derniers aux répercussions de ce nouveau rôle paternel sur le travail. Pour l’instant, timide mais bien intentionné, le législateur français a accordé en janvier 2002 un droit à congé assorti de différentes options, puis a invité les bénéficiaires potentiel·le·s à l’activer… ou non. Et ce n’est pas l’annonce récente d’un passage à sept malheureux jours obligatoires dès 2021 qui risque changer la donne !
Il a donc instauré un droit activable. Dans notre pays, la prise de ce congé relève du droit pour les salariés, non d’un devoir parental. Ni obligation, ni responsabilité évidente. Les pères y sont considérés libres de faire valoir ce droit, invités à entrer par l’ouverture légale, mais pouvant décider par eux-mêmes de sonner à la porte comme de leur degré d’occupation du territoire parental, auprès de leur jeune rejeton comme de leur compagne. L’opinion publique semble pour l’instant en phase avec cette vision, puisque sept personnes sur dix pensent en France que le congé paternité doit rester facultatif, autant les hommes que les femmes, même si les plus jeunes sont un peu plus favorables à le rendre obligatoire (Baromètre de la DREES, 2016).[i] L’imposition de ce congé ne semble pas encore une option crédible d’après notre gouvernement non plus : lors de la mise en discussion du sujet au niveau Européen en Avril 2019, Emmanuel Macron a indiqué son opposition, pour des raisons financières qu’il estime donc supérieures à l’égalité des sexes, au caractère obligatoire du congé paternité[ii]. Il me faut donc trouver de bons arguments. L’argument préalable et sans doute principal sera que l’égalité n’a pas à être estimée financièrement (quand il s’agit de sécurité ou de défense, ce débat n’a pas lieu…). Elle n’a pas de prix, comme la politologue Réjane Sénac l’exprime dans son ouvrage L’égalité sous conditions. Elle y démontre que ce principe républicain n’a pas à être économiquement rentable. Ni performant.[1] Elle s’oppose à l’étude de la performance de l’égalité comme condition de sa mise en place. Que deviendrait le système démocratique si l’égalité engageait des dépenses sans atteindre la performance visée ? L’égalité relève d’un principe de justice. Un tout autre registre. Un horizon écrit sur nos frontons.
Le congé 2ème parent, s’il était obligatoire pour une grande part (la longue durée nécessaire ayant déjà été déjà argumentée), permettrait en outre de :
- Augmenter les possibilités pour les mères de faire des choix
- Echapper à l’enfermement des hommes et femmes dans des rôles sexués
- S’adapter aux différentes configurations familiales
- Rééquilibrer le pouvoir de négociation au sein des couples
- Rééquilibrer le pouvoir de négociation des parents auprès des employeurs
- Prévenir la possibilité pour un employeur d’empêcher la prise du congé
- Adapter le travail à la condition humaine
- Equilibrer les libertés des pères et celles des mères
- Bénéficier des expériences des pays voisins
- Mettre en place une mesure d’intérêt général
Voici donc au moins dix bonnes raisons de défendre un retrait obligatoire du travail, au motif d’une parentalité imminente ou nouvelle pour le deuxième parent. Sur chacune je m’expliquerai dans les prochains billets.
[1] Réjane Sénac insiste sur la nécessité de ne pas mettre l’égalité au service de l’économie libérale. Les catégories désignées comme singulières dans les logiques de promotion des différences (qu’elle désigne comme les « non frères », donc les femmes et les personnes racisées) n’ont pas à être valorisées comme les complémentaires des catégories instaurées en référence, donc dominantes (les hommes blancs).
[i] Source : Les Français et les congés de maternité et paternité : opinion et recours, Etudes & Résultats DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques), n°1098, Janvier 2019
[ii] Source : https://www.huffingtonpost.fr/entry/conge-parental-europeen-comment-la-france-a-fait-voter-une-version-au-rabais_fr_5c9b302ce4b07c88662d7c09
Une réflexion sur « #68- Congé 2ème parent : une vraie part obligatoire pour dix lueurs d’espoir »